Un référendum d’initiative partagée (R.I.P.) pour l’accès des étrangers aux prestations sociales ?


https://www.unsa.org/3303

11 AVRIL 2024 : DECISION DE REJET AU FOND DU RECOURS AU RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE PARTAGÉE (R.I.P.)

Deux mois et demi après la promulgation de la loi immigration, le Conseil constitutionnel a rejeté, sur le fond, le RIP.

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 14 mars 2024, par la présidente de l’Assemblée nationale, d’une proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers, via le mécanisme du RIP (référendum d’initiative partagée).

Y aura-t-il un référendum d’initiative partagée sur l’accès aux prestations sociales des étrangers ?

° Le R.I.P., mode d’emploi ?

Ce mécanisme est prévu à l’article 11 de la Constitution et prévoit que le Président de la République, sur proposition du Gouvernement ou conjointe des deux assemblées (nécessite le soutien d’1/5e de parlementaires... ) peut soumettre au référendum tout projet de loi portant notamment sur la politique économique et sociale de la nation.

Le projet doit être contrôlé par le Conseil constitutionnel, puis soutenu par 10 % du corps électoral. Lorsque ces conditions sont requises, les deux assemblées disposent de 6 mois pour examiner la proposition et l’adopter, faute de quoi elle sera soumise à référendum.

Une institution du R.I.P. qui commence pourtant à dater…
Cette procédure, créée en 2008, a vu, jusqu’à présent, sept propositions de RIP.
Seule la Proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris a passé l’obstacle du Conseil constitutionnel, mais n’a pas recueilli suffisamment de soutien de la part des citoyens.

° Nature juridique du contrôle du Conseil Constitutionnel

Ce contrôle « R.I.P. » du Conseil constitutionnel est strict et complexe.

Le Conseil doit vérifier que la proposition est présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement, qu’elle n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an, qu’elle ne porte pas sur le même sujet qu’une proposition de loi rejetée par référendum il y a moins de deux ans et, qu’elle n’a pas pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.

Prestations sociales pour les étrangers...
C’est donc la 8e proposition de R.I.P., visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers, qui nous intéresse présentement puisqu’elle était soumise au Conseil constitutionnel, qui a rendu son avis le 11 avril 2024.

La proposition de loi concernée :

La proposition de loi soumise au Conseil constitutionnel comporte cinq articles, qui précisent :

  • Une condition de durée minimale de résidence en France ou d’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle, celle que doivent remplir les étrangers non ressortissants de l’Union européenne en situation régulière pour bénéficier de certaines prestations sociales ;
  • Le remplacement de l’aide médicale de l’État bénéficiant à certains étrangers en situation irrégulière par une « aide » (plus modeste et circonstanciée) « médicale d’urgence » ;
  • L’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la réduction tarifaire accordée pour certains titres de transport  ;
  • La prise en compte de certains hébergements destinés aux demandeurs d’asile au titre des obligations des communes sur les logements sociaux ;
  • La modification des conditions permettant aux demandeurs d’asile de se maintenir dans un lieu d’hébergement et de celles relatives à l’évacuation de ses occupants.

° DECISION :

Le Jeudi 11 avril 2024, le Conseil constitutionnel juge contraire à la Constitution l’article 1er de la proposition de loi visant à réformer l’accès aux prestations sociales des étrangers.

Les sages ne s’opposent pas à ce que le bénéfice de certaines prestations sociales dont jouissent les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne saurait être telle qu’elle prive de garanties légales ces exigences.

Le fait de subordonner « le bénéfice de prestations sociales » à une condition de résidence en France d’une durée d’au moins cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas et 30 mois pour les autres porte une « atteinte disproportionnée » aux « droits à la protection sociale » des étrangers en situation régulière.

https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2024/20246RIP.htm

° ECLAIRAGES

Le raisonnement du Conseil constitutionnel :

Pour le Conseil constitutionnel, sur la forme  :

  • L’obligation de la signature d’un cinquième des membres du Parlement est respectée.
  • Comme la proposition de loi modifie certains dispositifs de prestations sociales, d’aide à la mobilité et d’hébergement susceptibles de bénéficier à des étrangers, il s’agit d’une réforme relative à la politique sociale de la nation au sens de l’article 11 de la Constitution.
  • Par ailleurs, cette proposition de loi n’a pas pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an et aucune proposition de loi portant sur le même sujet n’avait été soumise au référendum depuis deux ans.

- Sur le fond

Le Préambule de la Constitution de 1946 prévoit notamment que «  la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », et « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Pour le Conseil, ces dispositions impliquent la mise en œuvre d’une politique de solidarité nationale en faveur des personnes défavorisées, tant qu’ils résident sur le territoire de la République. La seule limitation possible à ce principe étant la sauvegarde de l’ordre public.

S’il n’est pas exclu que le bénéfice de certaines prestations sociales pour les étrangers en situation régulière sur le territoire français soit soumis à une condition de durée de résidence ou d’activité, cette durée ne doit pas être suffisamment longue et incertaine pour mettre en péril l’exigence d’assistance aux personnes défavorisées prévu par le Préambule de 1946.
Or, la condition posée par le texte consistant pour un étrangers non ressortissants de l’Union européenne, soit de résider en France au moins cinq ans, soit être affilié à un régime obligatoire de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle d’une durée d’au moins trente mois en France ; porte une atteinte disproportionnée à ces exigences.

Dès lors, la disposition et donc la proposition de loi, ne sont pas conformes à la Constitution.

Auteurs, Louis BERVICK & Sophie RIOLLET, Juristes, Pôle Service Juridique, Secteur Juridique National UNSA.

Pour toutes demandes de précisions à nos constitutionnalistes, juridique@unsa.org

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